Boire un coup dans un bar où on ne connait personne

La lumière matinale baigne la petite place encerclée de maisonnettes aux couleurs passées, du bleu lavande à l’amande douce amère. Les boutiques minuscules ouvrent une à une leur store laissant apparaître ça et là un étal de sandalettes en soldes, des savons bio au miel de pays et une curieuse vitrine de cadres dont on se demande comment elle peut survivre dans cette petite ville qui s’endort avec le coucher du soleil et vit au rythme du touriste montagnard levé à l’aube, désertant les petites rues de la gargouille encore dans l’ombre.

Les chaises en osier du bar de la place vous font de l’œil, posées près de la fontaine et d’un pot de gerberas soleils. On s’assoit, on commande un thé au serveur Italien  qui vous répond avec son accent chantant inimitable et vous en amène tout un choix, de l’infusion les trois marmottes au thé de Ceylan, accompagné d’un petit ramequin de sucre blanc ou roux, s’il vous plait !

Et on laisse trainer une oreille : simple curiosité dans ces moments de détente oisive. Un grimpeur affublé de ces immondes sandales à scratchs prend son café en cherchant le meilleur coin pour sa session du jour avec son partenaire au visage buriné par le soleil alpin. Une petite mamie, étrangement coquette avec de grands pendolins rouges à chaque oreille tente vainement de quitter sa table, où un papi la retient, par la même ritournelle depuis mon arrivée :

  • Allez, Henry, je te laisse lire ton journal !

Je réprime un sourire quand les éternels piliers du bar se mettent à commenter le tour de France (« en Angleterre, on aura tout vu ! ») et la coupe du monde, exaspérés que la France se laisse tellement dépasser sur tous les fronts et leur pourrisse leurs instants sportifs et patriotes.

Le soleil est plus haut et la petite brise glaciale a achevé de refroidir le thé qu’on avait presque oublié, comme un prétexte, une invitation à cette table vide mais si bien entourée. On s’éloigne dans un murmure d’au revoir amical en essayant de se faire le plus discret possible pour ne pas troubler la quiétude de ces instants partagés.

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